[Hellas Rally 2022] : J7, une dernière spéciale… Très spéciale

[Hellas Rally 2022] : J7, une dernière spéciale… Très spéciale

29/05/2022 0 Par Pierre-Emmanuel BOURGOUIN

Alors tu as eu hier le récit d’une journée idéale, sans soucis technique, sans erreur de nav, avec un bon rythme, un bon feeling… Bref, la journée parfaite avec une spéciale et des liaisons parfaites…

Et bien maintenant, je vais te raconter la journée calvaire ! La spéciale terrible qui a presque failli m’avoir… Mais… J’ai quand même fini ! Ca aurait été dommage d’arrêter si près du but non ? 🙂 

Place à la méthode Coué maintenant, histoire de se convaincre que malgré tout, c’était une bonne journée 🙂

Mais avant tout, tu connais la musique maintenant, voilà…

Le petit résumé des jours précédents !

Donc on est arrivé au Hellas Rally samedi. Le temps de prendre possession des lieux et de faire les vérifications techniques et administratives. Lundi, on a commencé par une petite spéciale, qui déjà m’a ramené à la réalité. Un Rally, c’est dur ! Enfin, plus que la section 7 du TET. Du coup, on a pris les choses en main sérieusement le 2ème  jour, mais tout ne s’est pas passé comme prévu… Et le 3ème jour non plus ! Puisqu’en guise de 3ème étape, on a eu une journée off avec un nouveau set de vérifications techniques. Les 4ème et 5ème jour, c’était le challenge dans le challenge : les marathon stages avec plus de 640 bornes de spéciales à se fader sans assistance ! Heureusement, la 6ème journée s’est parfaitement passée, et je suis plus motivé que jamais pour que cette 7ème et dernière journée soit la même !

Mais… Rien ne va se passer comme prévu.

Nuit de merde…

Pour bien commencer une journée de merde, rien de mieux qu’une bonne nuit de merde ! Bah là, j’ai tapé des records en dormant peut être 2 heures… Le reste du temps, j’avais en tête les images de la spéciale de la veille comme un gamin qui vient d’avoir un nouveau jouet et qui est incapable de le laisser. Tous ces bons moments, ces pièges évités, ces points sur les crètes… Alors c’est génial, c’est plein de supers souvenirs, mais en attendant, je ne dors pas… 

Départ de liaison à l’arrache…

Et évidemment, pour une bonne nuit de merde, tu dors…. Quand tu dois te réveiller ! Du coup, tout s’accélère ! Je me prends un café à l’arrache. Je pars de l’hôtel à l’arrache. J’arrive au bivouac à l’arrache. Et du coup… Je pars à l’arrache ! 

Au programme aujourd’hui, 130 bornes, dont 80 de spéciale. Une petite vingtaine de kilomètres pour rejoindre le départ, juste le temps de se mettre dans le mood. 

Déjà un soucis…

Je roule tranquillement, j’essaye de me concentrer, de rentrer dans la course, mais… Déjà, un truc bizarre ! Je trouve que ma tour de navigation avec le roadbook et l’ICO penche bizarrement. Ca me donne presque l’impression de rouler en crabe cette illusion d’optique. Dans la mesure où je ne me suis pas vautré hier, ça m’étonne. Bon, je finis la liaison, et arrivé au départ de la spéciale, je regarde de plus près… 

Et ben voilà ! J’ai trouvé ! Le roadbook et l’ICO sont fixés sur une plaque qui elle même est montée sur une barre, barre qui est fixée à la tour de navigation sur les côtés. L’un des deux côtés est cassé net ! L’aluminium n’a a priori pas résisté aux 6 premiers jours de course et a lâché certainement durant la spéciale d’hier. 

Je fais contre mauvaise fortune bon coeur, et je refixe le tout avec quelques rislans bien positionnés. Au passage, je me convaincs que ça va faire l’affaire et que ça va tenir. 

Départ de spéciale en trombes…

C’est à mon tour de prendre le départ ! Feu !!! J’y vais comme un bourrin, bien décidé à refaire la même journée qu’hier ! La piste est droite, roulante, juste de quoi envoyer du gaz pour se rafraichir un peu. Je me dis même que je suis satisfait de mon départ que j’arrive à négocier de mieux en mieux. 

A ce moment, je ne savais pas encore que j’avais mangé mon pain blanc sur cette dernière spéciale…

1,28km ! Xème instruction au roadbook. 1,28km seulement depuis le départ. J’arrive au premier virage. Je vois Stéphanie hurler en relevant sa moto. Juste derrière, trop tard, je vois un rocher en plein milieu de la piste. Un gros. Pas le genre de truc sur lequel tu passes. Non, lui, tu l’évites, sinon tu plies la jante dans le meilleur des cas et tu te fais très mal dans le pire des cas ! Entre le rocher et Stef, pas d’autre choix que de prendre à droite et de me mettre au tas. 

Virage de merde…

Jusque là, rien de trop surprenant me diras tu… Sauf que ce putain de virage, il est en pente. Et pas qu’un peu ! En fait, c’est pas un virage, c’est une marche ! Il y a déjà une demi douzaine de gars qui sont au tas, ça me rassure presque. 

Je relève ma meule, tente redescends un peu sur la piste, reprend de l’élan, et… deuxième gaufre ! Courage PEB ! Je relève la moto, tente le tout droit, et… je me vautre ! Ca commence à être fatiguant de relever Thrud, et ses 150kg commencent à peser beaucoup plus lourd là. Quatrième essai, impossible de désactiver le traction control, je lâche l’embrayage, la moto se lève, et retombe dans le sens inverse à la montée ! Hop, faut encore la relever…

Je te passe les autres tentatives infructueuses… Ca ne fait que 1,28km que cette foutue spéciale a commencé, et j’ai déjà perdu 30 minutes ! A ce moment, j’en suis à un point d’énervement et d’épuisement que je me dis que c’est le dernier essai. Je fonce tout droit au delà de la piste, je me fous dans la pampa, en me disant que je trouverai de l’adhérence sur les bosquets. Et… Ca passe !

Après cette première “épreuve” (pour l’anecdote, quand je reparlerai de ça au bivouac le soir, Vincent lâchera un “oui il était un peu compliqué mais ça passait large…”), je reprends mes esprits, et continue la piste. J’essaie de reprendre des forces, de me réhydrater, de laisser derrière moi cette “galère”. Je repense à ma stratégie de la veille, et j’arrive à me poser un peu (enfin dans ma tête…). 

180° dans la forêt…

Tiens, j’arrive même à remonter des gars ! Et je reprends confiance ! Alors, fort des enseignements de la première journée des marathons stage, je ne me fais pas de plan sur la lune non plus… Mais je suis dans un meilleur mood… Et ça tombe bien, parce que maintenant, je rentre sur un single track dans la forêt. 

Quel que soit le chemin, je maintiens le rythme, c’est le plus important… Sauf que je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment, mais… La moto lève, cabre, et je me fais mon premier 180° en l’air ! Pas de bobo à l’arrivée, c’est le principal, mais pour autant, la situation n’est pas idéale… Je suis en sens inverse, sur un single track, avec la roue arrière qui est dans le vide. Pour ne rien gâcher, ce n’est pas de la piste en dur, c’est de la caillasse pourrie très meuble et très instable.

J’entends les gars de derrière arriver, et je n’ai pas d’autre choix que de tirer la meule pour laisser un passage. Mais en faisant ça, je me mets dans une situation encore plus inconfortable pour la relever. Dès qu’ils sont passés, je m’attelle à lui faire faire un 180°… Au sol ! J’ai mal pour Thrud pour être franc. Ca racle dans tous les sens… En mobilisant les quelques forces qui me restent (on doit être à 5km du départ…), je la relève une énième fois et c’est reparti !

Bye bye la navigation…

Et maintenant ça ne peut que bien se passer n’est-ce pas ? Parce que là, objectivement, qu’est-ce qu’on pourrait faire de plus ? Une crevaison ? Mais non, je suis en Bib mousses…. Une panne moteur ? Bien entendu, c’est toujours possible, mais c’est tout de même peu crédible… Ah ! j’ai une idée !

Et de une…

Et pourquoi pas exploser sa tour de navigation ??? Mais c’est bien sûr ! Ca c’est une super idée… Et puis en plus, c’est super simple à faire ! Je te donne la recette tout de suite… Tu passes sur une piste caillouteuse, tu envoies du gaz, tu tapes un bon coup dans un rocher, et tu attends que ta tour de navigation te saute à la tronche ! 

Voilà voilà… 10 km après le départ, alors qu’il m’en reste 70 avant d’arriver, je réussi l’exploit de foutre en l’air ma navigation. La bonne nouvelle, c’est qu’il me reste des rislans, du coup, j’arrive à refixer l’ensemble, et je reprends ma route…

Et de deux…

J’essaie néanmoins de faire un peu attention en roulant, pour ménager la chèvre et le choux… Mais 5km plus tard, malheureusement, re-cailloux, re-rocher, re-bond, et re-crack ! Me voilà à nouveau sur le bord de la piste, à essayer de réparer cette foutue tour de navigation. En fait, les rislans que j’avais mis juste avant le départ, et ceux que j’ai mis 5km plus tôt, ont tous lâché ! 

Qu’à cela ne tienne… Je vais simplement mettre un bout de scotch américain là où les angles sont saillants, et mettre des rislans plus épais. Ca tombe bien il m’en reste justement quelques uns. A ce moment précis, je suis partagé entre le plaisir d’être ici, la fatigue qui commence à peser, et l’énervement de devoir réparer ce truc. Mais je repars assez vite, en me disant qu’il me faut vraiment être très vigilant, parce que j’arrive quand même sur la réserve de rislans…

Et de trois !

Mais quand ça veut pas, ça veut vraiment pas ! Alors une fois n’est pas coutume, et tout lâche d’un coup d’un seul une nouvelle fois à peine deux kilomètres plus tard ! C’était trop beau en même temps… Concrètement, ça devient de plus en plus dur de réparer, car il ne me reste plus en stock que 4 gros rislans, et un tendeur que je retrouve au fond de mon sac ! 

J’arrive tant bien que mal à tout fixer directement sur la bulle cette fois. Mais ils vont m’entendre chez Rade Garage quand je serai rentré au bivouac ! Si leur foutue tour n’est pas capable de supporter un roadbook et un ICO, qu’ils ne la vendent pas comme un élément de rally, mais comme une pièce de déco !!!! Je suis absolument furieux en fête à cet instant, parce que je ne suis même pas à la moitié de l’épreuve, et je ne suis pas sûr de pouvoir matériellement la finir. 

La lumière au bout de la spéciale…

Maintenant, la stratégie est très simple : rouler en anticipant 1000 fois plus chaque aspérité du terrain pour ménager mon instrumentation de navigation. Si jamais ça cassait à nouveau, je ne pourrai plus réparer, et je ne pourrai pas finir la spéciale. Je dois donc à tout prix faire en sorte de ménager la nav ! Parce que je veux le finir ce rallye ! Je ne suis pas arrivé au 7ème jour de course pour devoir abandonner comme ça ! 

Mais si tu savais à quel point l’organisation n’en a rien à faire de mes petits soucis de nav… (oui je sais j’abuse en disant ça…) On va devoir affronter des pierreux, des montées ou des descentes sur des marches, et même des lits de rivière maintenant, voir quelques éboulements ! Est-ce que tu imagines ce que ça donne en roulant ? Un beau bazar… Je crois que je n’ai jamais autant regardé ma tour… Pas tant pour les instructions de navigation que pour m’assurer que tout aille bien. Et par chance, ça tient… 

Une petite remontada…

Et je vais même avoir mon petit moment de plaisir en remontant une quinzaine de gars d’un coup ! Quand je te disais que la navigation était centrale… Sur une partie un peu trickie du road book, je les vois s’enfiler vers la piste après avoir traversé un éboulis. J’ai un gros doute et je prends 1 minute pour regarder le roadbook, défiler un peu après et… Regarder le paysage ! Je vois au loin les 2 arbres présents également sur le roadbook, et je ne sais pas comment l’expliquer, mais à cet instant, j’avais la conviction que c’était par là qu’il fallait passer. C’était loin d’être simple, il fallait à nouveau rouler dans l’éboulis, mais j’étais sûr de mon coup. Et j’ai fait le bon calcul, parce qu’après, tout le roadbook matchait avec ma trace. Ou peut être l’inverse d’ailleurs, je ne sais plus trop :-).

Maintenant que je suis sûr de mon coup, sur la bonne trace, je n’ai plus qu’à finir ! Pas d’autre choix mon pote ! Faut arriver à la fin, coûte que coûte, vaille que vaille. J’en ai tellement envie, que je me livre à un exercice loin d’être évident : dérouler le roadbook en avance pour essayer d’identifier la trace au cas où ma nav lâche en cours de route ! 

La dernière ligne droite de la spéciale…

Je te laisse imaginer le niveau de stress et d’anxiété… Alors qu’objectivement ça ne changera pas ce que j’aurais dans mon assiette ce soir, mais bon… En tout état de cause, je continue ma route décidé, motivé ! Et chaque instruction du roadbook passée devient un petit succès… Et de fil en aiguille, pas à pas, tulipe après tulipe, je fais mon petit bonhomme de chemin jusqu’à arriver à la fin de cette spéciale infernale ! 

Quel soulagement en passant la ligne d’arrivée, quel bonheur ! Je suis exténué, je suis crevé, je suis énervé, mais je suis tellement heureux d’y être ! Je prends à peine le temps de reprendre mes forces et j’enchaîne sur la liaison de retour que j’ai expédié à une vitesse folle ! Cette liaison de retour a une saveur toute particulière, et même si je ne suis pas encore au bout, j’ai fait le plus dur, je le sais. Il ne me reste maintenant qu’à rentrer, et l’expérience déjà prise ces premiers jours m’aide. Finalement, ces 40 km de liaison passeront très vite, et je ne saurai pas décrire la sensation en arrivant au bivouac… Je vois de loin la ligne d’arrivée, l’équipe d’ActionGraphers (les photographes), les autres concurrents, le stand avec les médailles… Ca y est, j’ai fini mon premier rally, mon premier Hellas Rally !!! I did it !!!! 

Et…. A ton avis, il se passe quoi dans ma tête à ce moment là ?…. Et bien je pense… Au suivant ! 

Tips & Tricks spécial spéciale…

Pour cette dernière journée, je crois que le seul tips que je puisse te donner, c’est de toujours prendre encore plus de rislans et de scotch que ce que tu prévoyais. Certains en mettent même autour de leurs tubes de fourches ou sur le cadre. Quand je pense que j’ai failli ne pas pouvoir terminer la spéciale parce que je n’avais plus de rislans pour réparer… C’est pas pour le poids ou l’encombrement de ces bouts de plastique qu’il faut se priver.

Dans le même ordre d’idée, je pense qu’il peut être utile également d’en prendre quelques uns en métal. Si j’en avais eu dès le début, je pense que j’aurais pu consolider ma tour sans toutes les frayeurs que j’ai eu. Tu peux regarder ce genre de modèle par exemple

Bon et puis, pour finir, je crois qu’il ne faut pas hésiter une seconde à… ne pas compliquer sa machine. Avec le recul, je n’avais pas besoin de la tour de nav, pas besoin du réservoir additionnel… Et j’irai même au delà, même si c’est un autre débat, mais pas besoin d’une 701. En rally, tu veux une machine fiable, rapidement réparable sur le bord d’une spéciale, et sans chichi. Du coup, je crois que, si je peux, le prochain se fera sur une 450 EXC (enfin ce genre de machine), stock de chez stock, avec juste l’instrumentation de navigation rajoutée. 

Voilà ! Maintenant, à toi de jouer 😉


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